L'icône de la DEISIS est, parmi toutes les icônes de la tradition byzantine et de la tradition russe, celle qui symbolise de la façon la plus explicite la PRIÈRE CHRÉTIENNE. Son appellation grecque signifie prière, supplication.Il n'est pas exagéré de dire qu'elle est la prière incarnée en lignes et en couleurs, de par son nom, de par son origine et de par sa fonction théologique.
La Deisis est en fait le triptyque de l'ancien voile du sanctuaire et c'est la raison pour laquelle cette icône était placée sur le registre supérieur de l'iconostase, le templon ou l'architrave, qui surmontait l'arc de l'abside dans les premières églises orthodoxes qui étaient souvent construites en bois. Elle était aussi au centre de la rangée de l'iconostase nommée «tchin», terme russe qui exprime l'accomplissement de l'incarnation divine et, partant, la plénitude du message évangélique.
À l'origine, l'iconostase servait à séparer le sanctuaire de la nef où se rassemblait la communauté des fidèles et l'icône de la Deisis assumait une fonction primordiale de lien entre Dieu et les croyants, c'était elle qui donnait à l'iconostase son sens théologique.
La forme la plus ancienne de Deisis trouve son origine dans l'épisode de la Transfiguration du Christ sur le mont Tabor apparaissant entre Moïse et Élie et qui constitue un autre thème iconographique. Cette Deisis trimorphe, comme celle présentée à l'édition 2017 de «Fedearteatrieste», est aussi la plus simple mais non moins évocatrice. La Mère de Dieu et Saint Jean Baptiste, les plus puissants intercesseurs auprès de Dieu, y sont tournés de trois-quarts vers le Christ, les mains levées en un geste de supplication. L'icône est composée soit de figures entières ou à mi-corps, comme dans cet exemple, ou se limite seulement aux visages sur un seul panneau ou sur plusieurs panneaux disposés côte-à-côte.
Les architraves les plus anciennes remontent aux XII et XIII siècles avec des exemples encore très bien conservés au monastère de Sainte Catherine du Sinaï, au monastère de Vatopedi et à la Grande Lavra, tous deux sur le mont Athos. Mais c'est essentiellement au XIV et au XV siècles, période où la sainteté russe, avec le mouvement hésychaste, et la peinture d'icônes, avec André Rublev, atteignirent leur apogée, que se développe l'iconostase telle qu'elle apparaît encore aujourd'hui dans les cathédrales et églises orthodoxes. À cette époque, la construction croissante d'édifices religieux en pierre favorise le renouveau de l'art de la fresque et accorde une place de plus en plus importante aux icônes. Celles-ci assumèrent parfois des dimensions gigantesques pour exalter l'immensité des cathédrales, atteignant parfois plus de trois mètres de haut, comme dans la cathédrale de la Dormition (1408) à Vladimir et au monastère de la Trinité Saint Serge ( 1427), à Sergei Posad.
Dans ce contexte, la composition de la Deisis devient de plus en plus complexe et s'étend horizontalement en une longue procession de saints en prière devant le Christ et en contemplation devant la Gloire Divine. Cette représentation suit un ordre théologique précis car chaque personnage évoque un chemin spirituel particulier:à droite de la mère de Dieu, l'archange Gabriel, Saint Pierre et les saints locaux et à gauche de Saint Jean Baptiste, l'archange Michel, Saint Paul et les saints locaux. Comme pour tous les éléments d'une icône, le rythme d'apparition des personnages de la Deisis correspond à un ordre intérieur. La majesté des cathédrales exigeait parfois des compositions monumentales où la figure du «Christ en majesté» était souvent représenté selon le cérémonial de la Cour, soit debout comme un empereur sur un marche-pied rouge et bénissant de la main droite, soit assis sur un trône en «Sauveur tout-puissant». La Deisis de la cathédrale de l'Annonciation au Kremlin, attribuée à Théophane le Grec, contemporaine de la Deisis Vysokhy, est la plus étonnante, la plus majestueuse de la deuxième moitié du XIV siècle tout en montrant une grande maîtrise technique. De plus, les rangées d'icônes ont été ajoutées sur l'iconostase au cours des siècles - les douze Fêtes au XIV siècle, les Prophètes autour de la Vierge du Signe à la fin du XV siècle et les Patriarches autour de la Trinité au XVI siècle- mais, de Byzance reste, seule et immuable la rangée d'icônes avec en son centre la Deisis.
Vers la fin du XV siècle et pendant toute la période post-byzantine, les exemples d'iconostases tendent à s'écarter des modèles originaux et la Deisis, parfois engloutie au milieu de nombreuses autres icônes, perd fatalement de son pouvoir évocateur de prière. Vers la fin du XIX siècle, elle tombe en désuétude au-dessus des Portes Royales et elle est même remplacée parfois par la Cène.
Les variantes iconographiques de la Deisis sont liées aux différentes traditions picturales, aux variétés régionales et à la destination particulière de chaque lieu de culte. Pour les églises dédiées à la Mère de Dieu ou à un saint, la Deisis est généralement encadrée des scènes de leur vie.
Sur l'icône présentée à l'occasion de l'exposition-évènement «Fedearteatrieste», les trois figures principales de la Deisis, sont présentées à mi-corps, selon la tradition la plus ancienne. Le maître iconographe Alexander Stalnov s'est inspiré de trois icônes anciennes pour sa composition en un seul panneau, avec la figure centrale du Christ volontairement plus grande que les deux autres. Ceci a pour objet d'accentuer l'effet de perspective inversée déjà créée par les deux figures qui s'inclinent de gauche et de droite vers le Seigneur. Les courbes de leurs silhouettes et le geste de leurs mains élevées en signe d'intercession vers le Christ Pantocrator au centre le font ainsi ressortir davantage. En effet, une représentation frontale des trois figures serait un simple alignement de personnages sans relation de Prière entre eux alors que c'est là justement que se trouve l'essence de la Deisis.
Au centre, le Christ Pantocrator, (d'après l'icône byzantine du XIV- musée de l'Ermitage, Saint Petersbourg)bénissant de la main droite et la main gauche tenant le Livre, est vêtu de l'habit aux deux tons pourpre et lapis lazuli qui symbolisent sa double nature humaine et divine de Souverain Universel qui présente sous les traits humains du Fils incarné, la majesté divine du Créateur et Rédempteur qui préside aux destinées du monde. C'est vers Lui que se tourne, à sa droite, la Mère de Dieu «Orante», (d'après l'icône byzantine du XII à Paphos) dont l'habit couleur hématite rappelle celui des femmes proches-orientales de l'époque, la main droite tendue et la main gauche levée un peu plus haut appelant le salut du ciel sur les fidèles. C'est encore vers Lui, à sa gauche, que se tourne Saint Jean Baptiste, (d'après l'icône byzantine du XIV–musée de l'Ermitage), Ange du désert, Précurseur du Christ, dernier des prophètes et premier des saints, vêtu de sa traditionnelle peau de chameau sous sa chlamyde (manteau court), dans ses couleurs traditionnelles d'ocre et de vert. Les trois figures apparaissent sur un fond d'or à la feuille qui permet de mieux saisir les structures optiques de l'icône, l'or rehaussant l'effet des pigments véritables utilisés dans la peinture d'icônes et les couleurs ainsi obtenues exaltant, à leur tour, le dynamisme de l'or.
Cette icône de la Deisis met en couleurs le message très riche en enseignements chrétiens adressé par l'Archevêque de Trieste, Monseigneur Gianpaolo Crepaldi, lors du Carême de cette année dont le thème, LA PREGHIERA CRISTIANA, est également celui de la cinquième édition de Fedearteatrieste.